Fahrelnissa Zeid (1901-1991)
Née dans une famille d’intellectuels ottomans, Fahrinnisa Shakir Kabaağaçli, s’impose comme une figure emblématique de l’art moderne. En 1919, elle fait partie des premières femmes à intégrer l’Académie des beaux-arts d’Istanbul, marquant le début d’une carrière artistique prometteuse. Au cours des années 1920, ses voyages à travers l’Europe lui permettent d’explorer divers musées et de réaliser une série de croquis détaillés, enrichissant ainsi sa vision artistique.
Le tournant décisif de sa carrière survient lorsqu'elle est admise à l’Académie Ranson à Montparnasse. Sous la direction de Roger Bissière, elle abandonne les formes académiques pour embrasser le modernisme et l’expressionnisme à son retour à Istanbul. Installée dans son atelier, elle trouve une nouvelle voie créative. En 1933, son mariage avec le diplomate irakien, le prince Zeid Al-Hussein, et l’arabisation de son nom marquent un nouveau chapitre de sa vie. Les années suivantes sont parsemées de défis personnels et professionnels.
En 1941, elle devient la seule femme turque à intégrer le groupe avant-gardiste D Grubu, avant de connaître un succès notable en tant qu’artiste individuelle à partir de 1945. Fahrelnissa Zeid s’installe à Londres, en 1946, où elle expose son travail avec succès. En 1948, son tournant vers l’abstraction est marqué par la création de Composition (1950). Sa rencontre avec Charles Estienne lors de sa première exposition individuelle à Paris en 1949 l’introduit à l’abstraction lyrique, faisant d’elle une figure centrale de la Nouvelle École de Paris. Elle expose régulièrement avec ce groupe ainsi qu’au Salon des réalités nouvelles, bénéficiant du soutien de galeristes influentes comme Colette Allendy, Dina Vierny et Katia Granoff. Son influence se renforce lorsqu’en 1954, elle devient la première femme artiste à avoir une exposition individuelle à l’Institute of Contemporary Arts à Londres. Son travail est acclamé par des critiques tels qu’André Breton, George Butcher, Bernard Gheerbrant et Terence Mullaly. Les écrits de Vassily Kandinsky sur la peinture abstraite et la « nécessité intérieure » résonnent profondément avec ses propres idées artistiques.
Suite au coup d’État en Irak en 1958, Fahrelnissa Zeid vit en exil entre Paris, Londres et Ischia jusqu’en 1975, date à laquelle elle rejoint son fils à Amman pour enseigner l’art. Dans les années 1960, elle réintroduit la figuration à travers le portrait tout en créant une forme d’art novatrice : des os d’animaux peints, encastrés dans des blocs de polyester colorés, qu’elle nomme Paléokrystalos. Cette œuvre unique, présentée sur des supports rétro-éclairés, démontre sa capacité à innover. En 1981, une exposition collective visionnaire avec ses étudiants contribue à l’acceptation de l’art abstrait en Jordanie. Fahrelnissa Zeid, première artiste du Moyen-Orient à voir sa carrière reconnue tant localement qu’internationalement, a su surmonter les défis personnels et les préjugés pour laisser une empreinte indélébile sur l’histoire de l’art moderne du XXe siècle.
Les œuvres de Fahrelnissa Zeid sont exposées à la Galerie Larock-Granoff depuis 1969.
Fahrelnissa Zeid, Composition abstraite (circa 1966), lithographie numérotée et signée © Sophie Labruyère